La première touffe d'herbe
C'est la seule qui compte. Les autres, de plus en plus longues, de plus en plus anodines, ne donnent qu'un encombrement fibreux, une abondance gâcheuse. La dernière, avant l’hiver, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir... Sur les naseaux déjà ce frétillement de l’herbe, frétillement amplifiée par le vent. Comme ils semblent longs, les premiers brins ! On la broie tout de suite, avec une avidité évidemment instinctive. En fait, tout est écrit, la quantité, ce sera le maximum, le bien-être immédiat. Tout le meilleur est pris. On ne se repose pas, pas le temps de rêvasser. C'est un bonheur complet.
Librement inspiré de :
La Première Gorgée de Bière et Autres Plaisirs minuscules
Philippe Delerm - l'Arpenteur 1997
Photo : S. Gascoin