Retour à l'état sauvage
La partie roumaine du delta du Danube est vaste enchevêtrement de roselières, d’îles flottantes et de bras, elle abrite de nombreuses espèces en voie de disparition. C’est là que niche, par exemple, la plus grande colonie de pélicans d’Europe. Au cours des vingt dernières années, des chevaux de trait retournés à l’état sauvage ont investi en masse ces prairies et ces forêts. L'histoire de ces chevaux sauvages remonte à la chute du régime communiste qui, il y a vingt ans, a entraîné l'effondrement économique du pays. N'ayant plus de quoi nourrir leurs chevaux, les paysans du delta les ont alors abandonnés dans les forêts. Les nouvelles générations de chevaux sont devenues aussi sauvages que leurs ancêtres.
Ils sont environ 4 000 à vivre en liberté et à avoir pris au fil des années possession de zones naturelles hautement protégées. Les écologistes mènent campagne contre cette expansion incontrôlée, car ces hordes menaceraient l’équilibre naturel du delta.
Mugor Pop, éleveur de chevaux, est convaincu que les troupeaux et la forêt peuvent cohabiter. Il a trouvé un allié en la personne du vétérinaire Stefan Raileanu. Ensemble, ils cherchent à sauver ces équidés. Mais les chevaux sauvages ne sont pas faciles à attraper, ni à contrôler. Regroupés dans les zones marécageuses, ils fuient très vite à la vue de l'homme. Stefan Raileanu, qui les surveille depuis des années, a appris à les approcher. Il marche pendant des heures dans les marécages, de l'eau jusqu'à la poitrine. C'est un parcours du combattant, mais le jeu en vaut la chandelle. "Regardez-les ! C'est un spectacle unique en Europe. Les villages sont désertés par la population qui part dans les villes et, peu à peu, les chevaux prennent leur place", dit-il tout bas en découvrant une harde de plusieurs centaines de bêtes.
Le vétérinaire reste de longs moments dans l'eau, à l'ombre des roseaux, pour contempler ces chevaux qui semblent être là depuis la nuit des temps. "Ils ne se laissent pas attraper, ils sont prêts à donner leur vie pour conserver leur liberté", met en garde M. Raileanu. Au coeur du delta du Danube, le cheval tient encore tête à l'homme.
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